Bernoulli, Johann I an Barbaud (de Thiancourt), Henri-Alexandre (1729.05.29)
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Autor | Bernoulli, Johann I, 1667-1748 |
Empfänger | Barbaud (de Thiancourt), Henri-Alexandre, 1686-1739 |
Ort | Basel |
Datum | 1729.05.29 |
Briefwechsel | Bernoulli, Johann I (1667-1748) |
Signatur | Basel UB, Handschriften. SIGN: L Ia 675:Bl.128-133 |
Fussnote | Am Briefkopf eigenhändig "à Mr. de Thiancourt" |
Monsieur
J'ai eté ravi d'apprendre par l'honneur de Votre lettre du 8.e Maj[1] que Vous Vous étes raproché de nos quartiers. Il y a plus d'un an que je Vous ecrivis une lettre à Perpignan en reponse à celle, que Vous m'aviés fait l'honneur de m'ecrire de cette Ville là,[2] je joignis à ma lettre un Catalogue, comme Vous le souhaitiés, de mes écrits imprimés, mais je ne sai si ma lettre Vous est parvenue, puisque Votre derniere n'en marque rien. Ce que Vous me mandés touchant les Proselytes que je dois avoir fait à Paris sur le Chapitre des forces vives, confirme ce qu'on m'avoit deja écrit avec cette circonstance, que Mr. l'Abbé Camus ayant commencé à lire un mémoire dans l'assemblée des Academiciens, il s'eleva dabord un grand murmure de ce qu'il alloit soutenir les forces vives, comme une opinion heretique et condamnée par l'Academie, mais que non obstant cela Mr. Camus fortifié par quelques partisans de ma Doctrine acheva la lecture de son Memoire. Vous voyés Monsieur que nos adversaires voudroient etablir une Inquisition philosophique pour admettre ou condamner en fait de physique ce qui leur convient ou ne convient pas, pretendant un droit souverain de faire passer tout par leur censure, le beau moyen de faire fleurir les sciences, si on n'a plus la liberté d'exposer ses sentiments. On m'ecrit aussi de toute part, que quoique ma dissertation n'ait pas eté couronnée, tout le monde avoue, qu'elle est infiniment au dessus des pieces qui ont remporté le prix et les quelles Mr. Saurin lui meme un des cinq Commissaires avoit qualifiées du beau titre de Rhabsodies d'Ecoliers; Vous ajoutés Monsieur que l'Academie semble avoir honte de son jugement. Cela peut bien étre, car la verité ne manquera pas tot ou tard de triompher malgré l'opposition de l'ignorance et de l'obstination; aprés tout cela je suis frustré du prix qui m'etoit dû, supposé que je l'aye merité comme on le dit; un tel procedé je Vous demande encouragerat-il les Savans à s'efforcer d'ecrire quelque chose de digne et de solide, quand ils verront que de miserables rhabsodies sont préferées à des chefs d'oeuvre. Vous me parlés tant de Mr. Saurin comme d'un homme qui est entierem.t entré dans mes sentiments au sujet des forces vives; cependant selon que Mr. de Mairan m'ecrit, il n'est ni chaud ni froid, il admet les forces vives dans un sens et il les rejette dans un autre, cela ne veut rien dire, s'il en agit ainsi par politique pour complaire aux Antagonistes, ou s'il n'est pas encore assés eclairé sur cette matiere, c'est ce que je ne saurois dire; au moins j'ai de fortes raisons pour croire qu'il a eté du nombre de ceux qui ont condamné ma Piece. Mr. Saurin, dites Vous, et Mr. Nicole Vous ont chargé de me temoigner leur estime[3] pour moi, cependant ce sont justement ces deux Messieurs qui, avec Mr. de Mairan qui fait profession d'etre mon intime Ami, auroient pû faire la pluralité des suffrages en ma faveur, car comme je Vous ai déja dit tout le tribunal ne consistoit qu'en 5 personnes, desquelles ces 3 Messieurs faisoient la plus grande partie; n'est ce donc pas une veritable farce qu'ils jouent en me temoignant tant d'estime aprés le mépris qu'ils ont fait paroitre pour mon ouvrage; quelle singerie! Ce seroit bien de l'honneur pour moi si Mr. de Maupertuis vouloit me rendre une visite, je le recevrois avec toute la civilité possible comme mon Collegue, car je le trouve sur la liste des Academiciens en qualité de Geometre et membre aussi de la Societé de Londres, je ne doute pas que ce ne soit lui meme dont Vous me parlés. Vous dites Monsieur, qu'il est un de mes zelés Partisans pour le sentiment des forces vives; si cela est, il ne fera guere de plaisir aux Anglois qu'il estime et dont il est estimé, car les Anglois sont les mortels Ennemis et haïsseurs de la doctrine des forces vives, non pas par un principe d'ignorance ou de stupidité mais par un principe de jalousie et de haine contre les Etrangers, particulierement contre Mr. de Leibnitz et moi, qu'ils regardent de fort mauvais oeil, ne pouvant souffrir ce qui vient de nous, ainsi les forces vives leur sont une epine dans l'oeil, le malheur est qu'elles n'ont pas Mr. Newton pour l'Auteur, sans cela Vous verriés les Anglois donner tête baissée dans cette doctrine. Messieurs les François ont le coeur mieux placé, ils veulent bien embrasser la verité de quelque part qu'elle leur vienne, pourvû qu'elle leur soit reconnoissable; j'en excepte pourtant ceux, qui s'etant declarés au commencement contre les forces vives et cela publiquement, sont retenus d'avouer leur erreur par un motif de reputation et peutétre de honte, comme font Mr. de Mairan, Mr. de Louville, Mr. Bouguer et plusieurs autres qui ne nous resistent que parce qu'ils avoient pris trop tot le parti contraire et ne peuvent maintenant se tirer d'affaire avec honneur. Aussi m'a-t-on écrit de Paris que ceux qui sont convaincus de la verité n'ont jamais pû venir à bout de tirer Mr. de Mairan dans une conversation serieuse et profonde sur cette matiere craignant sans doute d'etre confondu, ce que j'ai aussi bien remarqué, car jamais il ne m'a repondu sur mes preuves les plus demonstratives. Mais je serois trop long si je voulois Vous faire part de tout ce qui s'est passé depuis que Vous étes parti d'ici; je le reserve donc à la premiere occasion que j'aurai l'honneur et la joye de Vous revoir ici: Ce que j'espere qui sera bientot. En attendant je me recommande à la continuation de Votre affection et suis avec une estime et attachement inviolable M. Ve... J. Bernoulli
Bâle ce 29.e Maj 1729.
P. S. Aprés avoir fini cette lettre, je viens d'en recevoir une de Mr. de Maupertuis; [4]Elle est remplie d'honnetes expressions: Si peutetre Vous Lui ecrivés, je Vous prie de l'en bien remercier de ma part et de Lui dire que je Lui repondrai sur les questions qu'il me fait dés que mes affaires me le permettront; j'en suis présentement accablé plus qu'à l'ordinaire, Vous savés bien Monsieur que nous autres Professeurs ne sommes pas toujours les Maitres de nous memes pour pouvoir vaquer à une telle ou telle chose que nous voudrions. Outre cela je Vous avoue que peu s'en faut que je ne commence à me lasser de la Correspondance de Paris depuis le mauvais succés de ma premiere tentative pour le prix: ne trouvés Vous pas que j'ai raison? Car quand Mess.rs les Academiciens et meme de ceux qui ont rejetté mon ouvrage ont quelquefois recours à moi comme à un Oracle, quand ils me donnent de l'encens en abondance, c'est à dire, qu'ils me repaissent de fumée, pendant qu'ils donnent le solide à ceux qui ne le meritent pas, ne dois-je pas croire, qu'ils veulent se mocquer de moi? peutétre ils s'en repentent, s'il est vrai ce que Vous me dites, qu'il semble que l'Academie a honte de son jugement: hé bien, je leur ferai avoir l'occasion de réparer le tort qu'on m'a fait, car j'ai resolu de travailler pour le prix de la pâque[5] de l'année prochaine sur la figure elliptique des Orbites des Planetes et leurs Aphelies; mais je Vous prie Monsieur d'en menager le secret et de sonder cependant sous main Messieurs les Academiciens pour savoir s'ils sont dans une disposition favorable pour moi: il faut pourtant que cela se fasse d'une maniere, qu'ils ne puissent pas dire qu'on les a prevenus contre la loi qu'ils se sont prescrite de ne point savoir les noms des Auteurs qui ont envoyé leurs Pieces.
Je souhaiterois d'avoir une prompte réponse, car avant le premier du mois de Septembre les pieces doivent étre à Paris, ensorte qu'il n'y a plus 3 mois pour y travailler.
Fussnoten
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