Bernoulli, Johann I an Scheuchzer, Johann Jakob (1727.10.28)

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Autor Bernoulli, Johann I, 1667-1748
Empfänger Scheuchzer, Johann Jakob, 1672-1733
Ort Basel
Datum 1727.10.28
Briefwechsel Bernoulli, Johann I (1667-1748)
Signatur ZB Zürich. SIGN: Ms. H 321, pp.141-144
Fussnote P.144 ist leer



File icon.gif Monsieur et treshonoré Ami

Mr. Votre Fils m'est echappé sans le voir, ce dont je suis extremement faché. À son arrivée il vint chés moi sur le soir lorsque j'étois absent; peu à prés à l'entrée de la nuit revenant à la maison et ayant appris que Mr. Votre Fils m'avoit voulu rendre la visite, j'envoyai incontinent à la Couronne où il logeoit pour le faire prier avec sa compagnie à manger la soupe avec moi le lendemain, mais j'en eus le refus disant que le parti étoit fait de se remettre en voyage le lendemain de bon matin: Je ne sçai si c'est par Votre ordre qu'il hate tellement son voyage, quoiqu'il en soit, si Lui ou quelqu'autre de Msrs. Vos Fils devoit prendre la route par cette Ville une autre fois, je Vous prie de Lui ordonner de s'adresser immediatement à moi et de prendre son logement dans ma maison sans aller auparavant dans l'auberge, je Vous en aurai de l'obligation. Il semble que nous sommes tous deux Vous et moi destinés à voir nos Enfants chercher leurs Fortunes hors de la Patrie, Vous avés un Fils établis en Angleterre, qui y est fort bien, à ce que j'apprens, et celuici qui est maintenant en voyage va eprouver son sort à la guerre; je ne doute pas qu'aussi brave qu'il est il ne soit avancé en peu de temps à Votre grande satisfaction, c'est ce que je souhaite de tout mon coeur. Pour ce qui est de mes enfants Vous savés peutetre que ma fille ainée est mariée à Mulhausen en Alsace, et File icon.gif je Vous ai donné l'année passée la triste nouvelle du decés de l'ainé de mes Fils à Petersbourg, son puis né y étant encore en qualité de Professeur sans savoir sa destinée, vû les changemens considerables qui s'y sont fait depuis peu et en dernier lieu le desastre arrivé au Prince de Menzicof, qui touts semblent menacer une revolution generale en Russie pourvû que l'Academie n'y soit enveloppée, mais Dominus providebit! J'ai encore chés moi quatre Enfants, savoir 3 fils et une fille, Dieu sçait à quel sort ils sont reservés: Il en fera ce qu'il juge à propos, me reposant entierement sur sa Providence. Je Vous envoye ici un Exemplaire de mon Discours sur le Mouvement, qui vient de sortir de la presse; Tout ce qu'il a merité, c'est l'approbation et l'eloge de l'Academie des sciences, pendant que deux autres (car mon discours est entré deux fois en lice) Mr. Maclaurin et le P. de Maziere ont remporté le solide, je veux dire les prix: Si Vous avés lû les pieces de ces deux Auteurs, ce sera à Vous et à d'autres Gens impartiaux et intelligeants à juger de la validité de ces 3 pieces. Il y avoit 5 Commissaires nommés par l'Academie à examiner toutes les Pieces et à juger ensuite en dernier ressort et sans appel sur celles qu'ils veulent honorer des prix: quant à moi étant interessé, il ne m'appartient d'en dire mon sentiment, il suffit que je Vous dise en gros que l'une et l'autre de ces pieces victorieuses est remplie de faux raisonnements sur tout celle de Mr. MacLaurin, laquelle est tout à fait abominable, contenant entre autres un faux raisonnement contre les forces vives qui fait pitié et par le quel je pourois prouver en propres termes que les aires des cercles ne sont pas en raison des quarrés des Diametres. Mais aprés tout cela je ne suis pas surpris que mon Discours ait eu ce mauvais succés; J'y deffens les forces vives, je les demontre par de nouvelles demonstrations, File icon.gif qui sont hors d'atteinte; mais peu de temps avant que d'avoir envoyé ma piece à Paris, la plupart des Academiciens s'etoient declarés ouvertement contre les forces vives, comme Vous pourés voir dans les Memoires: Ainsi ils avoient honte de se retracter de ce qu'ils avoient soutenu avec tant de hauteur et fierté; en un mot Juge et Partie a composé le tribunal; Ajoutés à cela que Mr. S. a presidé dans ce tribunal, qui a été autre fois en querelle avec moi et qui a eu le vent que j'étois l'Auteur de ma piece: Vous connoissés sans doute cet homme, Vous savés donc qu'il a changé de religion pour eviter la potance, qu'il auroit eu en partage quand on l'auroit attrapé à Geneve, pour cause de volerie. J'ai sçu d'un des 5 Commissaires, qui a plus de droiture et moins de prejugés que quelques autres, qu'il y a autant de difference entre ma piece et celles de mes rivaux, qu'il y en a entre le vin et l'eau. C'est assés dire.

Mr. le Comte Vous fait ses compliments reciproques, et moi, je suis du meilleur de mon coeur Monsieur Votre treshumble et tres-obeissant Serviteur J. Bernoulli

Bâle ce 28. 8bre 1727.


Fussnoten


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