Bernoulli, Johann I an Scheuchzer, Johann Jakob (1725.06.16)

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Autor Bernoulli, Johann I, 1667-1748
Empfänger Scheuchzer, Johann Jakob, 1672-1733
Ort Basel
Datum 1725.06.16
Briefwechsel Bernoulli, Johann I (1667-1748)
Signatur ZB Zürich. SIGN: Ms. H 321, pp.111-114
Fussnote



File icon.gif Monsieur et treshonoré Ami

J'admets Votre definition de l'Unicorne fossile; Vous voulés que l'on prenne ce mot dans un sens general signifiant toute sorte d'ossements de quelques animaux qu'ils soient: Ainsi Vous pretendés qu'il n'y a point eu d'Unicorne et que ces ossements qui ont la figure d'une corne sont de veritables dens d'Elephant; Cependant le gros morceau que Mr. Stauder m'a montré avoit sa longueur en ligne droite et canelée d'où je pouvois conclure que la corne entiere doit avoir eu une figure rectiligne et canelée au lieu que les dents d'Elephant sont courbes et lisses sur la surface. Trouve-t-on aussi des ossements d'Oiseaux, par ex. des Aigles, des Autruches, des Vautours, des Milans etc.? Ces Volatils ne sont ils pas peris par le deluge aussi bien que les animaux terrestres? Encore une difficulté contre Votre explication de l'Unicorne fossile, c'est que si ces pretendus Unicornes sont, comme Vous dites, de veritables dents d'Elephant, il semble qu'on ne devroit jamais deterrer une seule piece mais toujours deux ensemble, parce que les Elephants sont armés de deux dents; toutefois celle de Mr. Stauder (soit corne, soit dent) se trouva unique et sans Compagnon. Je Vous remercie de Votre dissertation sur l'aerographie Helvetique; je l'ai lûe sur le champ entre les heures d'avant- et d'aprés midi qui me donnent quelque relache dans les travaux scholastiques: Tout m'y a plû excepté le Nom File icon.gif de Verzalia, à la vuë du quel je fremis: je ne doute pas que Vous ne sachiés, que c'est l'homme le plus ingrat que porte la Terre, au moins à mon egard; J'ai nourri ce Serpent dans ma maison pendant 2 ans, je l'ai instruit dans les mathematiques, je lui ai communiqué mes plus secrets manuscripts, je n'ai presque travaillé que pour lui, j'ai été comme son Esclave toujours pret à recevoir ses ordres, encore pretendoit-il que ce n'etoit pas assés que je le servisse depuis le matin jusqu'au soir, mais que j'étois obligé, s'il le vouloit, d'employer toute la nuit pour son service; hé, en quoi croyés Vous qu'il avoit fondé ses rigoureuses pretensions? c'est, comme il disoit, parce qu'il avoit fait le voyage tres penible et tres dangereux par les Alpes exprés pour l'amour de moi dans le dessein de profiter de mes leçons, que cette grande entreprise devoit m'assujettir entierement à sa volonté, et que je devois abandonner toutes mes affaires tant domestiques que publiques pour ne dependre que de lui et de ses ordres: ne pensés pas que je fai des exaggerations; c'est au pied de la lettre qu'il le faut entendre, car ce sont les termes dont il s'est servi en me donnant ses ordres. Peutetre, me dirés Vous, qu'il a recompensé ses duretés et mes sueurs de deux ans par une generosité pour le moins aussi grande que mes souffrances; mais voici en quoi consiste la recompense, aprés m'avoir fraudé d'une partie de ce que j'avois depensé pour lui il sortit de ma maison sans me remercier avec un seul mot de mes informations, bien loin de me faire sentir quelque reconnoissance, sous pretexte que tout ce que j'ai fait pour lui c'étoit d'obligation que je l'ai fait et que je n'avois pas meme assés fait: je n'eus garde de temoigner le moindre mecontentement ni de lacher quelques File icon.gif paroles qui l'eussent pû irriter, de peur qu'il ne me poignardât, car il est furieux comme un tygre et grand comme un Geant, desorte que je tremblois toutes les fois qu'il commenca à se mettre en courroux: En fin ce Monstre partit de chés moi en ne me laissant qu'une puanteur épouvantable non seulement morale mais aussi physique, car il puoit comme un bouc, mes livres, mes ecrits que je lui avois pretés enfin toute ma maison et tout ce qu'il avoit manié en étoit tellement infecté, qu'on le sentoit plus d'un an aprés. Pour comble d'ingratitude, il m'ecrivit de Cologne une lettre la plus infernale du monde remplie de reproches, de calomnies et d'injures les plus atroces, et cela en tres beau latin, c'est tout ce qu'il possede de louable; aussi Mr. le D.r Iselin à qui j'avois montré cette lettre là m'a dit en riant qu'il n'a jamais vû injurier si grossierement en si beau Latin; Je ne finirois jamais si je voulois Vous conter toutes les extravagances grotesques de ce Diable incarné: prenés garde qu'il ne Vous rende aussi la visite sans que Vous l'invitiés de meme qu'il me l'a rendue sans en avoir été prié de moi, en un mot Hic niger est, hunc Tu Romane caveto.

En verité je ne comprends pas pourquoi Vos orthodoxes se sont recriés contre Votre Corollaire n. 15. Pensent ils que le passage fermé aux rayons du Soleil sera plus dangereux que quand il auroit été fermé aux rayons de la lumiere? quelle difference font-ils entre la lumiere et le soleil qui est la source de la lumiere? On auroit bien besoin de la lanterne de Diogene pour trouver ici la breche que Vos Censeurs pretendent qui s'ouvre aux heterodoxies, quelle niaiserie! Si ces Messieurs avoient un peu plus de connoissances dans l'Astromonie et physique modernes, ils auroient trouvé dans Votre Dissertation d'autres endroits à critiquer File icon.gif parcequ'il y en a qui favorisent ouvertement la grande heresie du mouvement de la Terre, tels que sont par ex. pag. 16 Complanatior figura Terrae ad polos, p. 24 Vorticis terrei confusaneam faciem; Item dans le meme coroll. 15 Vous faites de la Terre une Planete; Tout cela suppose que la Terre tournoye au tour de son centre et qu'elle se meut au tour du Soleil comme font les Planetes: D'où vient donc que Vos zelotes ont laissé passer cette brulable heresie? Je finis en Vous assurant que je suis avec autant de zele, que ces Messieurs en ont pour leurs pretendues orthodoxies Monsieur Votre treshumble et tres-obeissant Serviteur J. Bernoulli

Bale ce 16. Juin 1725.


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