Bernoulli, Johann I an Arnold, John (ca. 1688-17..) (1719.03.20)
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Autor | Bernoulli, Johann I, 1667-1748 |
Empfänger | Arnold, John, ca. 1688-17uu |
Ort | Basel |
Datum | 1719.03.20 |
Briefwechsel | Bernoulli, Johann I (1667-1748) |
Signatur | Basel UB, Handschriften. SIGN: L Ia 673:Bl.21-22 |
Fussnote | Am Briefkopf die alte Nummer "11" sowie eigenhändig "à Mr. Arnold Medecin Anglois à Exon" |
J'ai reçû un peu tard Votre lettre du 20 7bre 1718 à cause que Mr. Varignon à qui Vous l'aviés adressée etoit à la campagne lors qu'elle arriva à Paris et qu'il n'y etoit revenu que quelque tems aprés. J'ai fait tenir à Mr. Wetstein l'incluse que Vous lui aviés ecrite. J'ai lu par sa communication le recueil des lettres de Messrs. Leibnits et Clark, je les trouve comme Vous en plusieurs endroits obscures et abstraites: Je crois, si on entre bien dans le sens des pensées de Mr. Leibnits, qu'il merite souvent plus d'approbation que Mr. Clark, et que celuici ne comprend pas bien ou ne veut pas comprendre le veritable sens des principes de Mr. Leibnits, vû qu'il s'opiniatre à combattre des verités qui sont presentement hors de controverse, à cause seulement qu'elles ne conviennent pas à la philosophie qui regne presentement en Angleterre, telle qu'est l'estimation des forces vivantes que l'on peut demontrer fort geometriquement qu'elles sont en raison composée des masses et des quarrés des vitesses, et non pas des simples vitesses comme pretend Mr. Clark avec les autres philosophes Anglois; j'ai donné une demonstration tout à fait geometrique de la veritable estimation que Mr. Wolf a inserée dans le premier Tome de son cours de Mathematique,[1] je voudrois bien sçavoir ce que Mr. Clark pouroit y repondre. Je ne sçai pas si Mr. Newton continue d'avoir la meme estime pour moi qu'il avoit par le passé, il semble que sur le faux rapport de ses flatteurs, auxquels il semble qu'il prete trop facilement l'oreille, il laisse refroidir un peu son inclination pour moi, c'est en quoi il fait mal, car la gloire, qu'il retireroit des louanges de nous autres Etrangers impartiaux seroit bien plus solide, que celle qu'il reçoit des fades encens de quelques uns de ses compatriotes qui par un zele indiscret et outré prenent à tache de louer et d'exalter tout ce qui vient de lui jusques aux erreurs meme, sans autre raison que celle parce qu'ils croient qu'il y va de la reputation de la Nation d'avouer que le Prince de leurs Geometres a pu se tromper. Mr. Newton se devroit surtout bien defier de la ferveur aveugle avec laquelle Mr. Keil entreprend de le defendre en tout, c'est un homme qui se rend fort suspect auprès des Etrangers par ses crieries et calomnies dont il tache de ternir et noircir la reputation des Etrangers, on croit que comme c'est un homme qui a de fort mediocres lumieres en fait de Mathematiques, ce n'est que par une passion enragée qu'il se dechaine tant contre nous autres. Je souhaiterois pour l'honneur de Mr. Newton que quelque personne d'Authorité lui inspirat d'imposer silence à Mr. Keil et de lui faire comprendre que la plume medisante d'un tel homme n'est pas propre pour affermir la haute reputation de Mr. Newton, la quelle nous connoissons et venerons bien plus que ne fait Mr. Keil lui meme, qui n'entendant pas ses ouvrages est fort peu capable d'en juger ni par consequent d'en etre le protecteur et le defenseur. Je Vous suis obligé du morceau des Transactions philosophiques que Vous avés eu la bonté de m'envoier contenant la solution du probleme de Mr. Leibnits donnée par Mr. Taylor, on m'en avoit envoié de France le manuscript de cette meme solution avant qu'elle fut imprimée: mais je trouve que cette solution, malgré la hauteur avec la quelle l'auteur en parle, est fort peu satisfaisante, vu qu'elle n'est pas telle que Mr. Leibnits demandoit, car il vouloit qu'on construisit le probleme par des quadratures, aux quelles la solution de Mr. Taylor n'est pas encore reduite; mon fils (qui Vous fait ses complimens) a donné un memoire dans les Actes de Leipsic de l'année passée,[2] où il explique deux de mes solutions qui sont infiniment plus generales que celle de Mr. Taylor, et qui sont reduites jusques aux quadratures selon l'intention de Mr. Leibnits; il est sur le point d'envoier à Leipsic un autre memoire où il expliquera encore quelques autres de mes methodes pour resoudre le probleme des trajectoires,[3] et où il aura l'occasion de parler de celle de Mr. Taylor. Je donnerai aussi la solution d'un probleme que ce meme Mr. Taylor a proposé à tous les Geometres d'en deça de la mer: je dois Vous dire que peu de jours aprés que j'eu reçû la nouvelle de ce probleme (qui roule sur la reduction d'une fluente ou integrale d'une certaine formule differentielle à la quadrature du cercle ou de l'hyperbole) je fis signifier à Mr. Taylor que j'avois envie de parier avec lui 50 Guinées que je resoudrai son probleme dans un tems à stipuler: mais jugeant par son silence, qu'il n'ose pas hazarder son argent, j'ai pris la resolution de communiquer au public les conditions sous les quelles j'offris d'entreprendre de resoudre le probleme de Mr. Taylor afin que si desormais Mssrs. les Proposeurs des problemes ne veulent ou n'osent pas accepter le parti de parier, le public ne soit pas etonné de ne plus voir des solutions de moi, vu que je ne me trouverois pas obligé d'etre pret à repondre à chaque question au depens de mon repos et de mes autres occupations, croiant avoir assés fait depuis environ 36 ans, qu'on me juge capable de resoudre des problemes, sans que j'en donne effectivement des solutions. Vous devés encore sçavoir, que je donne aussi une solution d'un probleme, que Mr. Keil a eu l'impudence de me proposer quoique lui meme n'ait pas eté en etat de le resoudre: C'est de trouver et de construire la veritable courbe que decrit un corps pesant jetté dans un milieu resistant, en supposant la resistance en raison des quarrés des vitesses; Mr. Newton a resolu ce probleme pour la supposition de la resistance en simple raison des vitesses, mais il n'a pas pu le resoudre pour l'hypothese en question; on vient de me mander que Mr. Taylor l'a enfin aussi resolu, mais aprés l'expiration du terme que j'avois accordé à Mr. Keil mon provocateur, je verrai si la solution de Mr. Taylor s'accordera avec la mienne. Vous voiés cependant que la jalousie et la partialité de Vos Anglois que Vous appellés avec raison maudite qualité me cause beaucoup d'affaire et de perte de tems. J'enverrai cette lettre à Mr. Varignon par une bonne commodité qui se presente, par laquelle je lui enverrai aussi quelques exemplaires d'une these de mon phosphore mercurial qui sera ventilée vendredi prochain sous mon preside;[4] je prierai Mr. Varignon de Vous en envoier aussi un exemplaire par la premiere bonne occasion qu'il trouvera; car elle seroit trop grosse (contenant neuf feuilles entieres) pour etre envoié par la poste. J'espere que Vous serés content des explications que je donne de la lumiere mercuriale. Ma femme et touts ceux de ma maison qui ont l'honneur de Vous connoitre Vous saluent tres cordialement. Quant à moi j'espere que Vous etes persuadé de la sincerité avec la quelle je suis Monsieur Votre tres humble et tres obeissant serviteur J. Bernoulli.
à Bâle ce 20 Mars 1719.
Fussnoten
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