Crousaz, Jean Pierre de an Bernoulli, Johann I (1717.03.16)

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Kurzinformationen zum Brief       mehr ...
Autor Crousaz, Jean Pierre de, 1663-1750
Empfänger Bernoulli, Johann I, 1667-1748
Ort Lausanne
Datum 1717.03.16
Briefwechsel Bernoulli, Johann I (1667-1748)
Signatur Basel UB, Handschriften. SIGN: L Ia 656, Nr.8*
Fussnote Die letzten beiden Seiten sind leer. Siegel fehlt



File icon.gif à Lausane 16 Mars 1717

Monsieur

Un philosophe est un homme, ou plutot je ne suis guere Philosophe, et je me reconnois aujourdhuy dans une foiblesse vulgaire; les hommes du commun ne sentent jamais plus vivement le prix de leurs avantages, que quand ils sont en danger de les perdre; C'est precisément l'etat où je me trouve depuis quelques jours: J'appris par la derniere poste que l'Université de Groningue s'appercevant tous les jours davantage de la perte qu'elle a faitte, quand l'amour de la Patrie vous a rappelé à Basle, souhaitte ardemment de vous posseder derechef; J'estime son gout, et cet empressement me donne une haute idée de ses Curateurs. Cependant, Monsieur, vous vous éloigneriés et cet eloignement m'allarme; L'imagination se flatte toujours de quelque agréable espérance, et que seroit la vie sans les agréables idées qui nous amusant de temps en temps, nous empechent de sentir ce qui nous manque. Je vay de temps en temps à Berne, Je vay quelquefois à Soleure, Dès là je me flatte File icon.gif que je pourrois bien un jour pousser jusqu'à Basle. Ce n'est pas tout, Le peu de distance qu'il y a d'ici chez vous facilite un commerce de lettres, mais de Lausane à Groningue je pourrois vous estre incommode. Il est vray, je le confesse, ingenument à ma honte, J'ay mal profitté d'un avantage dont je ne laisse pas de sentir vivement le prix. Mais pour estre Philosophe il faudroit vivre Isolé comme un Melchisedec, sans genealogie. Des affaires de famille, des ménagemens pour celuy cy, des empressemens pour celuy là; Enfin depuis une année, je me suis trouvé, avec mes leçons publiques et particulieres, dans des circonstances qui ont consumé mon temps. J'y ay mis ordre et desormais je renonce à toute distraction. Je receus, Monsieur, vos dernieres remarques sur mon Traitté du Beau,[1] dans un temps où j'etois tombé malade à ma Campagne, et dés qu'on n'a pas repondu à une lettre sur le champ, il semble que ce n'est plus rien de renvoyer d'un ordinaire à un autre et des nouvelles distractions survenans, on passe de projet en projet, sans venir que tard à l'execution. Voilà encore une faute dont mon ingenuité à la confesser servira, j'espere à m'en obtenir le pardon.

Vostre lettre, Monsieur, contenoit deux remarques sur le son. Quant à la premiere je tombe d'accord que des poids égaux ne tendront pas également des Cordes égales en tout qu'en grosseur, et cela saute aux yeux; mais je pretens que dès qu'une fois deux cordes de grosseur inegale seront egalement tendues, pour hausser le ton de l'une et l'autre de la mesme quantité; il faudra tendre davantage la plus mince; et en effet, quand on a deux Cordes d'inegale grosseur à l'unisson, à l'Octave, à la Quinte etc. en un mot File icon.gif dans une Raison de Ton donnée et connuë, pour hausser l'une et l'autre d'un ton, si on fait faire un demi tour à la cheville qui sert à tendre la petite, quelquefois il ne faudra pas tourner d'un quart la cheville de la grosse et c'est là où va mon raisonnement.

A mesure qu'on verse de l'eau dans un Gobelet, le son qu'on en tire devient Cave; et c'est ce qui rend difficile à decider s'il hausse, ou s'il baisse par rapport au Grave et à l'Aigu. Je ne m'en suis pas fié à mon oreille, j'ay consulté des musiciens, j'ay remarqué à leur consonance qu'ils étoient quelquefois embarassés, mais après des redoublemens d'attention, ils sont convenus que le son devenoit plus aigu à mesure qu'on versoit plus d'eau. Si je puis me procurer des gobelets bien égaux, je feray comparaison de leurs sons en y versant de l'eau et de l'esprit de vin, que je crois avoir plus de ressort que l'eau, et il se pourroit que ce fut la raison pour laquelle il fait des repulsions plus grandes.

J'abuse, peutestre, de votre precieux temps; mais enfin, Monsieur, vous me repondrés à votre loisir. J'ay composé pour l'usage de mon fils un commentaire sur l'Analyse des Inf. petits de M. de l'Hopital,[2] ouvrage dont la gloire de l'aveu de son Auteur vous est en bonne partie devué; Cela m'a donné lieu d'examiner de nouveau ce que feu M. Guinée a écrit dans les Memoires de l'Academie, 1706 sur la Question de Maximis et Minimis,[3] c'est tout au commencement des Memoires. Voici, Monsieur quelques reflexions que je soumets à votre examen.

1.o Comme l'on ecrit pour l'utilité du Public, et non pas simplement pour l'usage de quelques scavans qui entendent à demi mots pourquoy affecter un laconisme obscur, et se donner tout l'air d'un homme qui s'impatiente et à qui les mots, le papier et l'encre coutent infinim.t

File icon.gif 2.o Lorsque soit qu'on suppose , soit qu'on suppose on parvient à conclure de l'une et de l'autre de ces deux suppositions la mesme longueur de l'abscisse qui devroit repondre au plus grand . C'est une preuve qu'il y a un noeud et que le Maximum n'est pas vray. Il le dit et le demontre. Mais quand il ajoute: Donc quand ces deux suppositions donnent des differentes valeurs de il y a un vray Maximum. Il ne prouve pas son Inverse. Or comme il y a des Inverses vrayes, il y en a aussi de fausses, voilà pourquoy elles ont toujours besoin d'estre prouvées par des Demonstrations qui leur soyent propres.

3.o Des deux suppositions , on preferera celle qui donnera une valeur de à laquelle repondra un plus grand . Mais supposons que etant un des membres de l'equation, on ait raison de supposer et de chercher par consequent dans le Numerateur de l'autre membre la valeur de . Ne se pourroit il trouver aucun cas où, on supposant conformément à la verité , on trouv[er]oit dans le Denominateur une valeur de à laquelle repondroit encor un plus grand . Il y a tant de varietés dans les Courbes, que ce soupçon est naturel et il falloit prouver que jamais n'est . Quand le Denominateur du second membre donne une valeur de d'où on conclut une plus grande valeur de qu'on ne feroit pas le moyen du Numerateur.

4.o Ces difficultés n'ont plus de lieu, dès que l'on s'est formé l'idée de la figure, qui repond à l'equation donnée. C'est donc par là qu'il faut commencer. Sied-il bien à un Philosophe, à un Mathematicien d'agir et de calculer à tatons, de chercher son Maximum ou son Minimum dans les tenebres, lorsqu'il peut les chercher surement et lumineusement; s'il debute par se former une idée nette de la question, et une intelligence non confuse du sujet dans lequel il cherche un Maximum, File icon.gif il verra sans peine s'il doit égaler à zero , ou ; et par consequent il verra d'abord si c'est dans le Numerateur, ou dans le Denominateur du second membre de l'Equation, qu'il doit chercher la valeur de qui repondra au plus grand . Dès qu'on a une idée de la Courbe on scait en quel cas devient infinim. grand en comparaison de , ou infiniment petit; dans quel cas l'un étant un infiniment petit d'un genre, l'autre devient un infinim.t petit d'un genre inférieur.

Je ne rejette pas comme faux les raisonnemens de M. Guinée, mais j'y voudrois plus de netteteté et de demonstration. Ce sont des matiéres où vous estes un maitre, comme en une infinité d'autres. Mes voeux sont que la Republique des Lettres en profitte et sente les obligations qu'elle vous a. Je suis plein d'une parfaite estime et d'un zele des plus vifs Monsieur Votre tres humble et tres obeissant serviteur J. P. De Crousaz

File icon.gif A Monsieur

Monsieur Bernoulli Professeur

tres Celebre dans l'Université de

Bale


Fussnoten

  1. Crousaz, Jean-Pierre de, Traité du beau où l'on montre en quoi consiste ce que l'on nomme ainsi, par des exemples tirés de la plupart des arts et des sciences, Amsterdam 1715
  2. Dieser Kommentar zu L'Hopitals Analyse des Infiniments petits war wahrscheinlich die Grundlage zu: Crousaz, Jean-Pierre de, Commentaire sur l'analyse des infinement petits, Paris 1721
  3. Guisnée, N. N., Observations sur les Methodes de Maximis et Minimis, où l'on fait voir l'identité et la difference de celle de l'Analyse des Infiniment petits avec celles de Mrs. Hermat et Hude: Mém. Paris 1706 (1707), pp. 24-51


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