Bernoulli, Johann I an Clairaut, Alexis Claude (1732.08.19)
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Autor | Bernoulli, Johann I, 1667-1748 |
Empfänger | Clairaut, Alexis Claude, 1713-1765 |
Ort | Basel |
Datum | 1732.08.19 |
Briefwechsel | Bernoulli, Johann I (1667-1748) |
Signatur | BS UB, Handschriften. SIGN: L I a 673, fol.192-193 |
Fussnote | Am Briefkopf eigenhändig "à Mr. Clairaut de l'Academie R. des Sciences de Paris" sowie eine alte Nummer "69". |
Monsieur
Tout autre que moi seroit glorieux de se voir recherché par une Personne de votre merite et de votre savoir: Vous avés dites Vous le dessein de faire le Voyage de Bale, pour profiter de mes instructions, mais sachés Mr. que l'execution de ce dessein pourroit tourner à Votre regret et à ma honte, quand vous trouveriés que le peu de lumiere que je possede en fait de Mathematique ne repondroit pas à Votre attente. Il est vrai que dans le temps que la sublime Geometrie étoit encore dans son enfance, je pouvois passer pour quelque chose auprès de ceux qui n'en avoient aucune ou du moins une très petite teinture, mais aujourdhui que le monde est si eclairé et que cette science est presque parvenue à son plus haut degré de perfection, nous autres Vieillards qui commençons à sentir l'engourdissement et la pesanteur d'esprit, sommes obligés de baisser pavillon devant les jeunes Heros et de les reconnoitre pour nos Maitres, qui ont poussé ces études bien loin au de là du terme où nous les[1] avions laissées.
Vous Mr. en particulier, qui dans votre jeunesse accompagnée d'une vivacité d'esprit extraordina[ire] avés enrichi la Geometrie des plus belles productions, qui font l'etonnement des plus grands Connesseurs, Vous dis-je n'avés que faire de recourir à une source qui commence de tarir comme la mienne. Car certainement vous la trouveriés à sec, ou peu s'en faut. Ainsi je ne sai ce qui peut avoir induit Mr. de Maupertuis de vous donner le conseil de venir chés moi[2] pour profiter, dites Vous, de mes lumieres: c'est comme s'il vouloit envoyer le soleil pour demander de la lumiere à la lune. Si Mr. de Maupertuis a trouvé chès moi il y a déja 3 ans quelque reste dans ma besace,[3] dont il a bien voulu se contenter, il n'auroit qu'à Vous en faire communication et prévenir par là un voyage inutile. Il est le Posesseur de tout ce que j'avois, et sçait tout ce que je sçai, et encore plus, car il a emporté par ecrit ce dont je n'ai pas gardé copie toujours. Pour ce qui est des forces vives, des resistances et d'autres questions de mécanique, il en est aussi instruit suffisament, à peu de choses près, qui me sont venue dans l'ésprit longtemps après son départ d'ici, sans cela il les sauroit aussi, je ne doute pas meme, qu'il ne les trouvat de son chef, s'il se voulût donner la peine d'y mediter, car tout decoule des principes qui lui sont connus.
Si non obstant tout cela, Vous persistés Mr. dans le dessein de me venir trouver personnellement, je veux bien y consentir et le tiendrai pour une marque d'honneur que Vous me ferés, mais à condition, que ce soit au hazard de ne trouver pas vôtre contentement, sans me faire le moindre reproche: Car je ne sai que trop, que les Gens de votre portée et capacité sont tres difficiles à contenter, et surtout quand ils sont déja au comble de sçience, dont ils cherchent la perfection. Cependant je croi que Vous ferés mieux de renvoyer vôtre Voyage jusqu'apres l'hyver, car Mr. de Maupertuis sçait que je suis gouteux, et que cette mechante incommodité me saisit ordinairement entre l'Automne et[4] l'Hyver, quelque fois aussi vers le Printemps. Je serois donc faché que Vous fussiés ici à b[..]lier sans que je pûsse Vous etre utile, pendant que je serois attaché au lit.
J'ai l'honneur d'étre avec une parfaite estime Mr. Votre tres humble etc. J. Bernoulli
Bâle ce 19. Aoust 1732.
Fussnoten
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