Bernoulli, Johann I an Scheuchzer, Johannes (1716.10.24)

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Kurzinformationen zum Brief       mehr ...
Autor Bernoulli, Johann I, 1667-1748
Empfänger Scheuchzer, Johannes, 1684-1738
Ort Basel
Datum 1716.10.24
Briefwechsel Bernoulli, Johann I (1667-1748)
Signatur Basel UB, Handschriften. SIGN: L Ia 668, Nr. 30
Fussnote



File icon.gif Monsieur et tres cher Ami

Je Vous envoye cette lettre par mon Neveu,[1] qui voyage en Italie pour prendre possession de la chaire de mathematique à Padoue, qu'on Lui a offerte depuis peu avec une pension annuelle de 600 ducati de Venize; Il aura l'honneur de Vous raconter Lui meme les particularités de cette vocation;[2] c'est pourquoi je n'en parlerai pas davantage. Je Vous suis bien obligé de la consolation tres-salutaire que Vous me donnez au sujet de la perte que j'ai faite par la banqueroute la plus frauduleuse qui se soit jamais faite. Nous sçavons presentement aprez bien des mouvements et des peines pour empescher que les Creanciers ne soyent frustrés de tout leur argent, à combien montera cette perte; c'est qu'on a accordé (malheureux accord!) avec les Banqueroutiers, qu'ils nous payeront la moitié du Capital sous la caution de leurs[3] freres et beaufrere, entre lesquels se trouve mon Frere Lui meme le Droguiste,[4] qui quoiqu'il y soit interessé aussi pour mille ecus, s'est laisser persuader de cautionner parcequ'il a le File icon.gif malheur d'etre Beaufrere de nos deux frippons; Cependant cette moitié qu'ils nous accordent ne sera payée qu'à mesure qu'ils vendront leurs effets et cela sans interest. En sorte que pour mon particulier, outre les mille ecus qui font la moitié de ce qu'ils me doivent, je perdrai encore tout l'interest de l'autre moitié jusqu'au payement, ce qui en tout ne fera pas moins de 1100 ecus en especes ou 2200 florins de notre argent que ces deux filous me voleront; mon Neveu Vous poura dire le reste des circonstances de cette affaire fascheuse, son Pere[5] y etant aussi engagé pour un Capital de 400 ecus, comme aussi mon Neveu le Peintre[6] pour 500 ecus, de sorte que tous les Bernoullis sont interessés dans cette volerie pour environ 4000 ecus, chose fascheuse pour eux! Il est vrai comme Vous dites que les Philosophes ont cet avantage de posseder un bien que les voleurs ne peuvent pas leur derober; c'est ce que les Payens anciens avoient deja reconnu, entre autres Aristippe[7], qui ayant fait naufrage et perdu tout son bien se rejouit avec ses Camerades et leur recommenda d'instruire leurs enfans à se procurer des biens de l'esprit comme de veritables biens, qui ne pouvoient pas perir par naufrage ni etre volés par des larrons, ce qu'il verifia par son File icon.gif propre exemple, vû qu'ayant remarqué sur les cotés de l'isle de Rhodes des figures geometriques tracées dans la sable, courage! dit il à ses compagnons, hominum vestigia video,[8] en effet il fut tres bien reçu des habitans de cet isle là et estimé beaucoup pour son sçavoir dans la Geometrie et Philosophie. Bias[9] aussi se souçia fort peu d'abandonner et de laisser en arriere tous ses biens en quittant sa patrie qui fut brulée et pillée par les Ennemis. Il donna meme pour reponse à quelqu'un qui Lui demandoit s'il ne vouloit rien sauver de son bien qui alloit etre la proye des soldats, omnia, dit il, mea mecum porto,[10] se fiant sur les talens d'esprit qui lui etoient echeus en partage et qu'il estimoit sans doute par dessus toutes les richesses perissables: C'estoient là des Philosophes payens destitués de la connoissance du vrai Dieu, qui regardoient si magnanimement et avec tant de grandeur d'ame la ruine et la perte des biens temporels comme une chose de rien, que ne doivent donc faire les philosophes chretiens? qui aprez cette vie terrestre ont à attendre une autre vie, dont les biens sont aussi fort au dessus des plus belles qualités d'esprit de cette vie, que cellesci dont ces Philosophes payens faisoient uniquement parade sont au dessus des biens corporels. Ces sortes de contemplations me donnent sujet de me consoler dans mes adversités, que je supporte avec d'autant plus de patience, que je sçai qu'il y a une infinité de gens plus pieux que moi, qui ont pourtant souffert File icon.gif plus grands malheurs que moi, ainsi quoiqu'il m'arrive et quelque perte que je fasse, je me trouve disposé à m'ecrier avec Job, Dieu l'a donné, Dieu l'a oté, que le nom de Dieu soit loué.[11] J'ai la bonne confiance qu'en se resignant comme cela à la volonté de Dieu, on se mettra en etat de ne succomber jamais quelque grande que soit l'adversité où on se trouve.

La partialité avec laquelle on traitte chez Vous l'affaire de differens pietistes, me scandalise beaucoup; je croyois que c'etoit un zele de Religion soit louable soit outré, qui faisoit agir Vos Theologiens: mais la suppression de la lettre touchant le pietisme du Diacre[12] à Liechtenstaig[13] me fait voir que touts ces bruits affectés pour le maintien de l'orthodoxie n'etoit que grimace et politique pour eblouir les ignorans et pour se maintenir dans l'autorité par l'ignorance meme du peuple. Quant au reste je suis, aprez Vous avoir fait les complimens de ma Femme, avec la derniere sincerité Monsieur et tres-cher Ami Votre tres-humble et tres-obeissant Serviteur J. Bernoulli.

Bale ce 24. 8bre 1716, jour auquel nous avons appris la prise de Temeswar,[14] qui a été entre les mains des Turcs plus de 160 années.


Fussnoten

  1. Nicolaus I Bernoulli (1687-1759).
  2. Zu den komplizierten Vorgängen, die zur Berufung von Nicolaus I Bernoulli auf den Lehrstuhl für Mathematik an der Universität Padua führten, vgl. Robinet, André, L'empire Leibnizien. La conquête de la chaire de mathématiques de l'université de Padoue. Jacob Hermann et Nicolas Bernoulli (1707-1719). Avec de nombreuses lettres inédites de J. et N. Bernoulli, M. A. Fardella, B. Fontenelle, D. Guglielmini, J. Hermann, G. W. Leibniz, A. Michelotti, P. Varignon ..., Trieste 1991, pp. 149-262.
  3. Im Manuskript steht "leur".
  4. Hieronymus Bernoulli (1669-1760).
  5. Niklaus Bernoulli d. Ä. (1662-1716).
  6. Niklaus Bernoulli d. J. (1687-1769).
  7. Aristippos von Kyrene (ca. 430 bis 355 v. Chr.) war ein griechischer Philosoph und Schüler des Sokrates.
  8. Vitruv, De architectura libri decem, Lib. 6, praef., 1.
  9. Bias von Priene (ca. 590-530 v. Chr.) zählte zum festen Kanon der Sieben Weisen. Zahlreiche Sentenzen wurden ihm zugeschrieben.
  10. Cicero, Paradoxa Stoicorum, 1,1,8.
  11. Hi 1,21.
  12. Hans Conrad Cramer (?-1754).
  13. Lichtensteig.
  14. Temesvár wurde unter dem Oberbefehl von Prinz Eugen von Savoyen (1663-1736) erobert. Die Einnahme erfolgte im Rahmen des Venezianisch-Österreichischen Türkenkrieges (1714-1718).


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