Fontenelle, Bernard le Bouyer [Bovier] de an Bernoulli, Johann I (1729.06.28)

Aus Bernoulli Wiki
Zur Navigation springen Zur Suche springen


Briefseite   Briefseite   Briefseite   Briefseite  


Kurzinformationen zum Brief       mehr ...
Autor Fontenelle, Bernard le Bovier de, 1657-1757
Empfänger Bernoulli, Johann I, 1667-1748
Ort Paris
Datum 1729.06.28
Briefwechsel Bernoulli, Johann I (1667-1748)
Signatur Basel UB, Handschriften. SIGN: L Ia 658, Nr.7*
Fussnote Siegelspur



File icon.gif Monsieur

Je me haste de me donner l'honneur de vous répondre pour vous exhorter, autant qu'il est en moi, à suivre le dessein que vous me confiés, et sur le quel je vous promets un secret inviolable. Il faut que vous me permettiés de vous dire que vous étes trés mal instruit, quand vous croyés qu'il y a des préventions contre vous, c'est tout le contraire, une grande et singuliere veneration, et universelle. Je vous le garantirois sur ma teste, et auroit on le sens commun de penser autrement? je vous proteste encore que je serai ravi quand je verrai un évenement tel qu'il doit étre naturellement, j'aime que tout soit dans l'ordre, et j'espere fort que j'aurai ce plaisir là. Ne perdés point de temps, Monsieur, je vous en supplie. Que ne puis je contribuer à ce que je souhaite!

Je n'ai veu M. de Klinguenstiern qu'une fois, et il ne me tomba nullement dans l'esprit qu'il pust faire passer mon paquet à Petersbourg. Je vous en demande pardon. Ce paquet fera le voyage quand il pourra, rien ne presse beaucoup.

M. l'Abbé de Bragelonne est bien glorieux de votre approbation, et se tient bien payé par là du temps qu'il m'a donné. Il me charge de vous faire ses trés humbles compliments, il n'y a point de Geometre qui ne doive vous rendre hommage de la plus grande partie de ce qu'il saura dans la Geometrie moderne ou Transcendante.

Il est vrai qu'il m'est revenu que vous etiés contre mes finis indeterminables, mais il ne vous reviendra pas à vous, Monsieur, que je m'en sois plaint en aucune façon, chacun a droit de juger d'une pensée donnée au Public, et en cette matiere personne au monde n'a un droit si legitime de juger que vous, vous seul vous étes un Tribunal souverain. Moi méme j'ai bien connu tout le paradoxe, je ne l'ai donné que comme tel, et suis trés sincerement disposé à recevoir en sa place tout ce qui fera le méme effet pour rendre raison des phenomenes geometriques, tout ce qui entrera aussi bien dans un Sistéme general. Vous demandés qu'on vous en donne une idée claire et distincte, mais je ne l'ai pas. Je n'en ai pas une non plus, et je croi que personne ne l'a, d'un Infini plus grand qu'un autre, et cependant etc.

Pour approfondir cela un peu davantage, il me paroist que toute cette Geometrie File icon.gif Transcendante, à l'établissement de laquelle vous avés une si grande part, on l'arrestera tout court dés ses premiers pas par des difficultés metaphisiques, par celle, par ex. d'un Infini plus grand ou plus petit. J'ai l'experience, et vous l'avés sans doute aussi, que tous ceux qui ne sont pas Geometres sont vivement choqués de cette idée si simple, et si bien établie en Geometrie. Il faut donc que la Geometrie, si elle veut avancer, ose plus que la Metaphisique ne lui permet, qu'elle s'en débarrasse, la dédaigne, et se fie à ses raisonnements particuliers. Je sens, Monsieur, que vous n'avés encore fait que parcourir legerement mon Livre, qui malheureusement demande un peu d'attention, et il peut arriver trés naturellement que vous ayés toujours mieux à faire que de le lire comme je souhaiterois. Mais vous y verriés ces terribles finis indéterminables amenés si necessairement par le Calcul, et si souvent, et sous tant de formes differentes, que je me flate que vous seriés un peu ébranlé, et que le geometrique pourroit vous gagner malgré le metaphisique, car je le repete, si votre Geometrie veut s'asservir à la Metaphisique, elle n'a qu'à renoncer à tout ce qu'elle a fait, le desavouer, s'en dédire, et ne prononcer jamais le mot d'Infini.

Vous demandés comment étant fini, est Infini? voilà du Metaphisique, je ne le comprens pas, et j'ai dit cent fois que le passage du fini à l'Infini etoit incomprehensible. Mais voici le Geometrique: si une Suite commence par des termes finis, et se termine par des Infinis, il y a necessairement quelque endroit de cette Suite où un fini et un Infini sont consecutifs, bien entendu que je ne pourrai jamais determiner cet endroit, ou ce qui devient Infini étant .

En un mot, il se fait quelque part un passage du fini à l'Infini, et il est toujours vrai qu'il se fait selon votre belle Loi de continuité. Ce sont les finis indeterminables, placés entre les finis déterminables, ou connus, et les Infinis, qui executent cette loi. Quoi que finis, ils sont si grands qu'elevés à une puissance infinie il deviennent Infinis.

J'adopterois trés volontiers, ou plustost je prendrois de vous comme d'un Maistre, d'autres façons de parler, comme celle de l'Infini par negation, mais je croi que toutes les differentes expressions qu'on pourra imaginer ne diront que la méme chose. Si les miennes, parce qu'elles sont telles, ne me conduisent à aucune erreur geometrique, je suis content, quoi qu'elles donnent prise à des difficultés metaphisiques, si on en trouve d'autres qui n'y donnent pas prise, je les aime mieux, et les prends de tout mon coeur. Je vous dirai cependant que je connois déja assés de Geometres persuadés qu'il en faudra passer par les idées que je propose, leur raison File icon.gif est qu'il y aura toujours des difficultés metaphisiques dans l'Infini, et qu'il ne faut pas laisser de gagner pays, si l'on peut.

Quant aux forces vives, il est vrai que quand M. de Mairan lut son Ecrit à l'Academie,[1] il me parut mettre bien l'affaire au net, du moins pour moi, qui n'y avois rien entendu jusque là, mais à l'heure qu'il est je n'en ai plus d'idée, car je vous avoue à ma honte que je perds trés facilement les idées de toutes ces choses là. Quand je prendrai cet Ecrit pour en rendre conte, je l'étudierai comme chose toute nouvelle pour moi, et n'y apporterai certainement aucune prévention, si cependant je puis me garantir tout à fait de celle que cause votre autorité. Je puis vous assurer que M. de Mairan en connoist et en sent tout le poids aussi bien que personne, et cela méme, d'oser étre contre vous aprés y avoir bien pensé, fait un autre préjugé pour lui. Je ne suis point surpris que vous ayés des Proselites dans l'Academie, je ne le suis que de ce que tout le monde n'en est pas, mais au fond il est difficile qu'une matiere délicate et contraire aux idées reçües, soit en contestation et que tout le monde se range si viste au méme avis.

Je vous remercie trés humblement de vos avis sur l'Eloge. Malheureusement il viennent tard, je verrai s'il me sera possible d'en profiter.

Je reviens au dessein secret, parce qu'il me tient au coeur. Je vous répons qu'on sera ravi de voir les Tourbillons rétablis, et que tout le monde sera favorable à cette bonne oeuvre. C'est là l'esprit general. Je suis avec respect Monsieur Votre trés humble et trés obeïssant serviteur Fontenelle

de Paris ce 28 Juin 1729

File icon.gif A Monsieur

Monsieur Bernoulli Professeur en Mathe-

matique

A Basle


Fussnoten

  1. [Text folgt]


Zurück zur gesamten Korrespondenz