Crousaz, Jean Pierre de an Bernoulli, Johann I (1719.09.26)

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Kurzinformationen zum Brief       mehr ...
Autor Crousaz, Jean Pierre de, 1663-1750
Empfänger Bernoulli, Johann I, 1667-1748
Ort Lausanne
Datum 1719.09.26
Briefwechsel Bernoulli, Johann I (1667-1748)
Signatur Basel UB, Handschriften. SIGN: L Ia 656, Nr.15*
Fussnote Signatur eigenhändig. P.S. vertikal auf vorletzter Seite. Letzte Seite leer Original



File icon.gif à Lausanne 26 7.bre 1719

Monsieur

Si j'ai beaucoup tardé à vous rendre grace de ce qu'il vous a plû de me communiquer, ma reconnoissance n'en est pas moindre. Au retour de ma campagne, où j'avois sejourné un mois, j'ai reçu des visites et par consequent j'en ai rendu. L'entrée de Mons.r de Chesaux, mon gendre, dans le Conseil a renouvellé ces ceremonies qui de part et d'autre prennent beaucoup de tems. Au retour des vacances il faut être un peu ponctuel à retablir les Leçons publiques et les colleges particuliers. Je me trouvois de plus obligé à continuer mon Traité de l'Education[1] que j'avois deja commencé, et à ne pas l'interrompre pendant que les idées en étoient fraiches. Enfin j'ai encore preché et je m'aquite peu à peu d'un engagement où je suis entré d'exposer dans des sermons les principales verités de la Religion. File icon.gif La critique qu'on avoit fait de l'Epitre dedicatoire de ma Geometrie, où j'avois dit que l'esprit Mathematicien seroit à souhaiter dans les chaires Evangeliques, a été l'ocasion de ce projet. Il faut avoir le gout du vrai et connoitre le plaisir qu'il y a à estimer parfaitement ceux qui en sont dignes. Pour juger de celui que j'ai eu en m'apercevant que je m'étois precisement rencontré avec une personne dont je fais un si grand cas de tout mon coeur et sur tant de fondemens. Les Mathematiques seroient sur un tout autre pié, et les hommes en tireroient un tout autre fruit par l'ordre et l'evidence parfaite qui y regneroit, si les Mathematiciens étoient plus communicatifs, et si ceux qui peuvent le plus être en secours aux autres trouvoient chés ceux qu'ils mettroient dans les bonnes routes et qu'ils aideroient de leurs lumieres et de leurs avis la reconnoissance dont ils sont dignes.

L'éloge de Mr. Leibnitz, qui avoit parû avant les Memoires de l'Academie et qu'on avoit imprimé à part,[2] aparemment pour le disperser par l'Allemagne, me fournit l'ocasion sur la matiere de laquelle vous m'avés honoré de deux reponses.[3] Je fus frapé de m'apercevoir que Mr. de Fontenelle parloit de l'hypothese de Mr. Leibnitz sur les infiniment petis comme differente de la sienne. Je me rapellai alors divers endroits de l'Histoire de l'Academie, où, par une suite de la suposition des Infiniment petis absolus, Mr. de Fontenelle avance de tems en tems des propositions hardies et peu intelligibles: On voit bien ce qu'il veut dire, mais on ne sauroit venir à bout de penser conformement à ses expressions, et, tout juste que soit ordinairement son esprit, tout Maitre qu'il soit en matiere de stile, la subtilité de la matiere semble File icon.gif l'avoir jetté dans quelque illusion. Je me souviens assés exactement des choses, mais je n'ai nullement la memoire locale, et j'aurois été le plus pauvre erudit du monde quand il en auroit fallu venir à l'exactitude dont ils se piquent dans leurs citations. Je me souviens trés distinctement que Mr. de Fontenelle, en parlant d'une Abscisse infinie d'une parabole, dit que son Appliquée correspondante, moienne proportionnelle entre le Parametre fini et cette Abscisse infinie, seroit un infini, puisque seroit infini: Mais que cet Infini pouroit être apellé infini imparfait, de même que le moien proportionnel entre deux nombres dont le produit ne donne pas un quarré, est un nombre imparfait. En matiere de Mathematique, comme en matiere de Theologie, dés que l'amour des verités mysterieuses en fait chercher où il n'y en a pas, on va loin; mais souvent c'est dans des espaces imaginaires: Eclaircissés les termes qui étonnent pour établir la verité du sens qu'il renferme, le mystere s'évanouit. Le Moien proportionel entre 2 et 3 ne peut s'exprimer ni en entier ni en fraction, et tout ce qui s'exprimera ainsi aprochera d'etre quantité moienne proportionelle, mais ne le sera pas. Donc, à parler exactement, jamais nombre ni entier ni rompu, ne sera un tel moien proportionel. On met cependant une lettre à la place de ce nombre; la quantité designée par cette lettre tient lieu d'un tel nombre sans être nombre. Si l'on veut apeller nombre imparfait ce qui tient lieu d'un nombre sans l'etre, je ne m'y opose pas: Mais cette definition ainsi expliquée ne doit plus être alleguée comme un paradoxe.

Nous n'avons ici des Memoires de l'Academie que les editions de Holande; le prix de celles de Paris nous a fait rabattre File icon.gif sur ces derniers, quoi qu'il y ait par ci par là quelque faute d'impression et que les figures fatiguent la vûe par leur petitesse, aussi bien que les caracteres Algebriques, surtout dans les fractions, où ils sont plus petis. Le papier non plus n'est pas merveilleux, et quelquefois la difference entre deux lettres de different caractere est si mince qu'on ne la remarque pas. Tout cela peut jetter dans l'erreur ceux qui ne sont pas assés exercés; mais à mon sens le plus grand inconvenient vient du retard. Cela m'a privé du plaisir de lire vôtre parfaitement élegante dissertation sur les pendules.[4] Apres l'avoir lûe, on se trouve si éclairé et vous conduisés vôtre Lecteur par des routes si aisées qu'il semble que rien n'auroit été plus facile que d'en faire autant, et quand on aprend ce qu'on ne seroit peutêtre jamais venu à bout de trouver, il semble qu'on se souvient de ce que l'on savoit deja. On donne pour caractere d'un excellent sermon la pensée dont se flatent ceux qui viennent de l'entendre qu'ils auroient pû en faire autant s'ils s'étoient donné le loisir d'y penser un peu. Il me paroit qu'on peut étendre ce caractere à un grand nombre de sujets.

Il me semble que Mr. de Fontenelle s'est surpassé lui même, et c'est tout dire, dans l'analyse qu'il donne de vôtre incomparable Ouvrage sur la Manoeuvre des Vaisseaux.[5] Vous l'aviés penetré de lumieres, et quoi qu'il se ménage avec vôtre illustre adversaire,[6] et qu'il évite avec beaucoup de delicatesse et d'habileté les aparences d'un homme qui prend parti, on voit bien qu'il a senti toute la force de vos demonstrations. Aprés ce qui part de vôtre plume, je ne crois pas d'avoir jamais rien lû avec tant de plaisir.

Je reviens aux pendules, et je vous assure, Monsieur, que dans tout ce que j'avois lû sur ce sujet et en particulier sur ce que vous cités, File icon.gif j'avois bien senti qu'il manquoit ce que vous relevés, et en lisant vos reflexions, j'ai eu le plaisir de sentir que si je n'avois pas été pleinement satisfait de ce que j'avois lû avant cela, ce n'etoit ni mauvaise humeur, ni pesanteur de genie, mais un gout d'evidence que l'on ne remplissoit pas. Mais il y a bien de la difference entre s'apercevoir que quelque chose manque et trouver ce qui y suplée. Je ne crois pas que jamais personne s'avise desormais de chercher aprés ce que vous avés trouvé. L'esprit le plus porté à se revolter ne sauroit trouver longtems à redire que vous le conduisés par des supositions imaginaires. Vous les ramenés si vite ces supositions et si naturellement à la verité et à la realité, qu'il semble que vous ne leur avés donné ce nom que par condescendence pour des esprits inquiets; car enfin il en est de vôtre methode comme de la plus ordinaire, où aprés avoir apellé une quantité inconnue, et sur l'existence de laquelle on ne peut même avoir des doutes, on vient à l'égaler aux connues, , , etc.

Enfin, Monsieur, quelle difference entre vous et les autres Mathematiciens que l'on met avec vous dans le premier ordre? Souvent leur matiere les emporte; et l'habitude qui leur a rendu facile le calcul, les jette à perte de vûe loin des choses mêmes pour courir aprés des supositions souvent chimeriques, quelquefois même impossibles. Que dirai-je de l'obscurité de ceux en qui Pythagore reconnoitroit l'esprit d'Heraclite, passé par la Metempsycose?[7] Que laissés vous à deviner à vôtre Lecteur? Et cependant que pouroit-on retrancher de vos expressions sans les reduire à un laconisme enigmatique? La nature et le calcul marchent toujours avec vous d'un pas égal; vous ne suposés que ce qui est, et vos conclusions n'ont rien qui étonne, si ce n'est la facilité avec laquelle vous seul y savés parvenir et conduire les autres. Mais la verité m'emporte; tout plein de vos excellens ouvrages, j'oublie, File icon.gif Monsieur, que c'est à vous à qui j'écris et je prens la liberté de vous parler à vous même dans le même stile que j'en parle aux autres. Ce qui est écrit est écrit: Que vôtre modestie, je vous prie, me le pardonne et prenne en bonne part mon zele en faveur de la verité. Il sera tres afligeant pour moi de lire un jour vôtre éloge. Je pleurerois alors trop sensiblement ma perte et celle de la Rep. des Lettres; mais ce que je ne me dirai point, je me donne l'innocent et juste plaisir de le prevoir, et pour m'abandonner à ce doux plaisir, je vai finir ma lettre en vous assurant que personne, ne sauroit être avec plus d'atachement et des sentimens plus reconnoissans pour votre amitié que je suis Monsieur Vôtre trés humble et trés obeïssant serviteur J. P. De Crousaz.

File icon.gif J'ai été fort atentif cet été sur le Barometre, et cette atention n'a point été particuliere aux Philosophes. Fort souvent tous les signes ordinaires de pluie s'unissoient pour la presager; mais la hauteur du barometre a toujours été un presage plus sûr: J'en concluois qu'un vif ressort dans l'air tenoit les vapeurs les plus proches de la Terre fort écartées et s'oposoit à la chute de celles qui commençoient à s'assembler en nuées et venoit même à bout de les dissiper. J'ai encore vû plus d'une fois qu'apres que le barometre étoit un peu descendu et que quelques goutes de pluie commençoient à tomber, le ressort de l'air se remettoit en vigueur, faisoit monter le barometre et reduisoit toute la pluie à quelques ondées. Dans ces ocasions il s'est presque toujours élevé quelque vent assés impetueux, d'Occident, d'Orient, du Midi même, qui contribuoient à nous enlever la pluie et à dissiper les nuées. Le Mercure du Barometre montoit toujours par ce vent, quoi qu'auparavant et quelquefois même pendant plusieurs heures il fut descendu quand l'air étoit dans un grand calme prés de la Terre et que quelques nuées qui commençoient à se former s'étendissent insensiblement sans se porter vers un terme plutôt que vers l'autre. Ces cas paroissent directement contraire à l'hypothese de Mr. de Meirans, tres ingenieuse assurement, comme tout ce qui vient de lui, mais exposée, ce me semble à de fortes objections et difficile à soutenir.


Fussnoten

  1. [Text folgt]
  2. [Text folgt]
  3. [Text folgt]
  4. [Text folgt]
  5. [Text folgt]
  6. Renau?
  7. [Text folgt]


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