Bernoulli, Johann I an Crousaz, Jean Pierre de (1719.02.01)

Aus Bernoulli Wiki
Zur Navigation springen Zur Suche springen


Briefseite   Briefseite   Briefseite   Briefseite  


Kurzinformationen zum Brief       mehr ...
Autor Bernoulli, Johann I, 1667-1748
Empfänger Crousaz, Jean Pierre de, 1663-1750
Ort Basel
Datum 1719.02.01
Briefwechsel Bernoulli, Johann I (1667-1748)
Signatur Basel UB, Handschriften. SIGN: L Ia 656, Nr.9
Fussnote



File icon.gif Monsieur

Je suis faché que le Clergé de Berne Vous ait causé tant d'embarras, et je regrette le tems qu'ils Vous ont fait perdre, et que Vous auriés pu emploier plus utilement à cultiver Vos cheres Mathematiques. J'espere cependant que les compositions que Vous avés faites pour Votre defense imposeront silence à Vos Adversaires. Je recevrai toujours avec plaisir ce que Vous voudriés bien me communiquer de Vos Meditations et des nouvelles pensées qui Vous viendront en matiere de Mathematiques. Je ne manquerai[1] pas de Vous en dire mes sentimens, autant que les distractions et les occupations dont je suis souvent accablé me le permettront.

Que Mr. Renau revienne à la charge ou qu'il n'y revienne pas cela me sera indifferent; car j'ai pris la resolution de ne lui plus repondre, voiant que toutes les tentatives que j'ai faites pour le ramener de son egarement à la connoissance de la verité ont eté vaines et infructueuses; car depuis mon Essai publié sur la Manoeuvre des Vaisseaux[2] qui devroit lui avoir dessillé les yeux, je lui ai encore ecrit une fort longue lettre en reponse[3] à ses instances nouvelles ou plutot reiterées, dans la quelle je lui ai mis devant les yeux la verité deploiée avec tant d'evidence et de clarté, qu'il me semble que le plus hardi Pyrrhonien n'auroit pas osé se roidir contre la force de mes demonstrations. Mais c'est comme je l'ai deja dit ailleurs, le bon Mr. Renau a bien de la peine à voir perir le cher fruit de son enfantement, qui lui avoit d'abord attiré l'applaudissement de tous ceux qui ne sçavent pas aprofondir les choses: Or comme son hypothese a quelque apparence superficielle, il ne faut s'etonner qu'il y ait des demi-sçavans qui la defendent et qui soient encore dans ses idées. Je ne connois point à Geneve de Mathematiciens File icon.gif assés habiles, au jugement desquels je voulusse me soumettre pour leur laisser la decision de ce different; J'avoue que Mr. J. Christophe Fatio de Duiller, à qui j'ai donné autrefois à Geneve des leçons dans les calculs differentiel et integral[4] et qui en a assés bien profité, seroit peutetre capable de discerner ici le vrai d'avec l'apparent, mais je doute qu'il puisse prendre assés de patience pour y apporter toute l'attention requise à la discussion des poins principaux de la dispute. Il suffit que les plus habiles Mathematiciens de France, d'Allemagne et d'Angleterre se rangent de mon coté, quoique quelques uns de ces derniers ne soient pas trop contens de moi sur le chapitre de pretension aux decouvertes, comme vous sçavés sans doute; marque certaine que ce n'est pas par complaisance, que les Geometres Anglois prennent mon parti contre Mr. Renau.

Je Vous suis Monsieur tres obligé de ce qu'il Vous a plu de me faire part de Vos observations et experiences sur les couleurs;[5] si Vous voulés bien m'envoyer Votre these que Vous m'offrés sur ce sujet, Vous augmenterés mon obligation: Vos observations sont telles qu'elles meriteroient bien, ce me semble, d'etre rendues publiques; car on est à present si generalement prevenu pour le systeme de Mr. Newton touchant les couleurs, que se deffier de ses hypotheses, c'est, comme Vous dites, faire un aveu d'ignorance et donner des marques d'une petitesse de genie. Pour Vous avouer nettement, je n'ai pas fait grande difficulté de donner aussi dans la pensée de Mr. Newton au moins pour expliquer les couleurs emphatiques, c'est à dire celles, qui se montrent File icon.gif par la refraction des diaphanes, voiant que cette explication est si naturelle et si simple par la seule supposition que toutes les couleurs se trouvent deja actuellement melées dans la lumiere par exemple du Soleil, et qu'elles sont sujettes à de differentes refrangibilités, ce qui fait, que ces raions se demelant en passant à travers le prisme de verre chacun d'eux paroit sous sa propre couleur: cette supposition me paroissoit d'autant plus vraisemblable, que selon les experiences de Mr. Newton les couleurs primitives separées les unes des autres ne peuvent plus etre changées en traversant une seconde fois le prisme au lieu que suivant le sentiment de Mr. Descartes ou des autres Philosophes qui statuent que les differentes couleurs ne sont que des differentes modifications de la lumiere, il faudroit qu'un raion coloré changeat de couleur toutes les fois qu'il passat de nouveau sous une obliquité differente le corps transparent. Selon Votre idée, les couleurs ne sont autre chose qu'une lumiere affoiblie ou un melange de lumiere et d'ombre. Les experiences que Vous avés faites Vous paroissent confirmer cette idée, et par consequent renverser de fond en comble le systeme de Mr. Newton. Vous feriés assurement quelque chose de curieux et d'utile au public, si Vous pouviés le desabuser par Vos experiences de la prevention où il est presque generalement en faveur du systeme Newtonien: Mais j'apprehende qu'on ne vous dise, que les couleurs sur les quelles Vous avés fait Vos experiences ne sont pas primitives, ou homogenes, etant composées chacune de differentes autres couleurs reflechies de toute part par exemple des nuées et d'autres objets eclairés, en sorte que ces couleurs reflechies venant se jetter sur l'ombre derriere Votre cylindre peuvent sans doute repreFile icon.gifsenter de nouvelles couleurs de toute sorte, d'où il suit que ces couleurs ne sont pas primitives ou celles qui font le sujet du Systeme de Mr. Newton. Pour s'en eclaircir il faudroit voir si chacune de ces couleurs de Vos experiences se change ou ne se change pas en passant par le prisme de verre, car si elle se changeoit, Mr. Newton ne manqueroit pas de faire d'abord exception en disant que tout cela n'infirme pas plus son systeme que ce qu'on voit naitre une nouvelle couleur quand le Peintre fait un melange de plusieurs autres. Je dis cela Monsieur non pas pour Vous rebuter de continuer Vos Essais: Ils auront toujours de quoi occuper et embarasser meme les Sectateurs de Mr. Newton, ce qui ne peut faire que du bien en donnant occasion aux speculatifs d'approfondir mieux cette matiere et d'enrichir peutetre la Physique de nouvelles decouvertes. Ainsi je Vous prie de hazarder Votre theorie à la fortune publique, au moins Vous ne manquerés pas, je suis sur, d'en retirer la gloire que cette Theorie est parfaitement bien imaginée.

Quant au reste je reciproque les voeux que Vous m'avés fait à l'occasion du commencement d'année; je prie le Seigneur que le Public pour le quel Vous travaillés si utilement puisse jouir encore longtems de Votre Personne. Je me recommende à la continuation de Votre bienveuillance, Vous priant d'etre assuré que je suis avec un zele parfait Monsieur Votre tres humble et tres obeissant serviteur J. Bernoulli.

Bâle ce 1. fevrier 1719.


Fussnoten

  1. Im Manuskript steht "menquerai"
  2. [Text folgt]
  3. [Text folgt]
  4. [Text folgt]
  5. [Text folgt]


Zurück zur gesamten Korrespondenz